Aytré
Histoire de l’église d’Aytré
Père Jean-Baptiste BERNARD (né en 1802, curé d’Aytré de 1827 à 1873)
Commentaires sur la construction du clocher (nota: Texte original, sans correction).
Cette année, quoi que passée dans les occupations ordinaires de mon Ministère, fut cependant marquée par un évènement bien capable de réjouir le cœur d’un pasteur. La Divine Providence inspira au Maire la pensée de restaurer en entier l’église et de construire un clocher. Monsieur BROSSARD, architecte du Département mit ce projet à l’étude et l’année s’écoula sans le voir se réaliser. Toutefois, de temps en temps, dans l’occasion, je parlais de ce projet et m’efforçais d’entretenir le feu sacré.
1851
La postérité religieuse de cette Paroisse devrait à jamais bénir cette année et rendre à Dieu les hommages de la bonne réussite de la restauration de l’église. Monsieur BROSSARD en tira enfin le plan et fit le devis des divers travaux qui s’élevaient, en totalité, à la somme de treize mille francs.
1) Pour les réparations du corps de l’église qui consistaient à l’élever de trois mètres dans toute la longueur pour pouvoir faire la voute en briques : 8473 francs 49 centimes.
2) Pour le clocher à élever derrière le Chœur de l’église : 3854 francs 31 centimes, à ajouter pour dépenses imprévues et frais de Direction : 672 francs 20 centimes
Total général : 13000 francs.
Voici quelles étaient nos ressources: La Caisse Municipale avait un boni de quatre mille francs. Le Conseil vota, de plus, 3000 francs pendant quatre ans. La fabrique s’engagea pour la somme de mille francs et une quête volontaire que je fis à domicile produisit 1000 francs. Ce qui éleva nos ressources au chiffre de 9000 francs.
Ce fut donc avec cette somme et avec l’espérance que le Gouvernement viendrait à notre secours que les travaux furent entrepris. L’adjudication s’en fit par soumission cachetée à la Mairie le 18 juillet 1851. L’entrepreneur à qui les travaux furent adjugés moyennant douze pour cent de rabais fut le Sieur Deschamps domicilié à La Rochelle. Il eut pour caution le nommé Bilard, charpentier- menuisier qui lui-même fit la charpente de l’église et les mesures de la voute. Le plâtrier qui fut chargé de la voute de l’église est le Sieur Gaillard. L’église devait seulement être exhaussée et couverte le 20 octobre de la même année. En conséquence les travaux qui devaient commencer le 17 août ne commencèrent que le 20, à cause de la mort de Mr Grossetière Maire, qui fut presque subite. Homme de bien et dévoué, recevez ici mon regret profond et sincère ! Cette perte fut cruelle pour moi parce que j’allais alors, jusqu’à la nomination d’un nouveau Maire, être chargé de tout l’embarras de cette entreprise. Et Dieu seul sait toutes les peines dont il m’a fallu porter le fardeau. Ce fut le jour de la Toussaint que je dis la messe dans l’église recouverte de la nouvelle charpente. Pendant la durée de ces premiers travaux je disais la Sainte messe tantôt dans la salle de la Mairie, tantôt dans une portion de l’église. Enfin, l’église couverte, les travaux furent suspendus et nous passâmes le reste de l’hiver dans l’église couverte et exhaussée.
1852
A peine cette année était-elle commencée que j’aurais voulu que les travaux de l’église fussent repris. C’était là l’élan de mon cœur mais ma raison me disait que la saison n’était pas propice. Toutefois pour ranimer l’ardeur de mes paroissiens, j’imaginais une solennité, ce fut celle de bénir la première pierre du clocher projeté. Je transcris ici le récit de cette fête tel que je le fis insérer dans le journal l’Echo rochelais:
« Une belle et touchante cérémonie a eu lieu dans la Paroisse d’Aytré, samedi dernier, 28 février. Il s’agissait de la bénédiction et de la pose de la première pierre de l’église à la restauration de laquelle on travaille en ce moment. L’assistance était composée de Mr le Maire, des deux adjoints, une grande partie du Conseil municipal, les membres de la fabrique, tous les principaux propriétaires et la majeure partie de la population. Le cortège, réuni à l’église, en est sorti à la suite de la Croix que suivait un chœur de chanteuses dirigé par la sœur de Mr le curé. Dans cet ordre, on se rendit, au chant d’un cantique approprié à la circonstance, à l’Est de l’église où doit s’élever le clocher. Là, le pasteur, après avoir béni la pierre, objet pieux de la cérémonie, montra aux regards étonnés une médaille d’une large dimension qu’allait recouvrir la pierre du clocher. Mais avant de la déposer dans le lieu désigné, il donna lecture de son inscription ainsi conçue : « Restauration de l’église paroissiale de Saint Etienne d’Aytré, qui déjà en 1828, fut prolongée par Mr LENARD, curé, de dix mètres et quatorze de largeur. Adjudication des nouveaux travaux par Mr Grossetière, Maire. Ils ont commencé le 20 Août 1851 ». Au revers de la médaille, il y a : « La pose de la première pierre du clocher, le 28 Février 1852. Mr Brossard, architecte, Deschamps, entrepreneur, Damien (Théophile), Dupeux, Pequiet, Soubiseau, marguilliers ; Mr Théodore Damien, Maire, successeur de Mr Grossetière décédé neuf jours avant l’ouverture des travaux de restauration ; Grelles, Dr Marc, Bonnaventure, Bectier, Jaudeau, propriétaires ; Bernard, curé, facit. »
Cette lecture terminée, Mr le curé remit cette médaille à Mr le Maire qui la plaça dans son lieu. La pierre la recouvrit et fut scellée par chacun des assistants qui vint donner son coup de marteau. Alors, le pasteur réclama le silence et adressa à l’honorable assemblée l’allocution suivante :
« Messieurs, l’empressement que vous avez mis à vous réunir à nous pour assister à la pose de la 1ère pierre de ce clocher est un des motifs qui me fait prendre la parole pour vous faire part des sentiments divers dont mon âme de pasteur est pénétrée. La pose d’une première pierre de clocher est un mot d’une douce et suave mélodie pour les oreilles d’un pasteur comme pour celles des brebis qui lui sont confiées. La pose d’une première pierre de clocher atteste à la postérité l’espoir religieux d’une population et son goût prononcé pour tout ce qui est grand, saint, utile et immortel. Eriger, enfin, un clocher, c’est élever à Dieu un titre triomphal qui proclame à la fois sa gloire et son amour. Et autrefois, dans le désert, Moïse faisait élever un serpent d’airain devant son peuple pour calmer les esprits et ranimer les courages abattus ; si, à la vue de ce signe, les blessures occasionnées par des reptiles venimeux disparaissaient, quels sentiments de force, de piété et de confiance ne doit pas inspirer, au loin comme auprès, l’aspect d’un clocher qui est le signe élevé de la maison de Dieu ! Quels effets salutaires ne produit pas, dans l’âme chrétienne, la vue de la Croix posée à son sommet, annonçant au loin les bontés et les miséricordes du Dieu trois fois Saint !
A ces précieux avantages, qu’il me soit permis d’ajouter, Messieurs, que ce monument à élever à toutes vos sympathies comme il a l’assentiment de cette population toute entière ; car vous avez contribué, les uns et les autres, à la restauration de cette église selon votre position de fortune respective ; bien plus, et je me plais à le proclamer hautement, les riches et les pauvres ont rivalisé de zèle et de sacrifices pour cette œuvre, éminemment catholique. Néanmoins, malgré ces généreux efforts, tout n’est pas fini, Messieurs, car l’église n’est même pas terminée. Et cependant, nous ouvrons notre cœur à l’espérance qu’elle le sera bientôt, convaincus que nous sommes que votre concours et votre appui ne nous manqueront pas. Quant au clocher dont nous posons et bénissons la première pierre, nous allons le laisser où il en est jusqu’à ce que le Gouvernement ait statué sur les demandes de secours que nous lui avons adressées. Toutefois, il faut dire, les diverses réponses que nous en avons reçues sont toutes favorables à notre entreprise. Je vais, en première ligne, vous citer une lettre de Mr le Général Vast-Vimeux datée du 19 mai 1851 et qui est ainsi conçue :
« Je me suis acquitté, Mr le curé, avec autant d’empressement que de plaisir, de la bonne mission que vous m’avez donnée au sujet de votre église paroissiale, et je viens vous rendre compte de mes démarches. L’instruction de cette affaire paraît complète, mais il ne peut être statué quant à présent sur cette demande de secours par le seul fait que les fonds alloués pour 1851 viennent d’être épuisés. Infailliblement, la Commune d’Aytré obtiendra un secours sur les fonds de 1852. Je regrette, Mr le curé, de n’avoir pas été mis plutôt au courant de cette affaire »……………
Marguillier : Membre du conseil de fabrique d’une église paroissiale, notamment sous le régime du Concordat.
Fabrique : Centre temporel de l’administration de l’église.
Les églises d’Aunis, Yves BLOMME,
( Ed. Bordessoules, Saint-Jean d’Angély, 1993)