Ce que je veux vous dire n’est qu’une introduction à l’Évangile d’aujourd’hui.
Voilà donc 58 ans que j’ai reçu le Sacrement de l’Ordre, comme d’autres de mes frères et sœurs recevaient le sacrement de Mariage.
C’était un don que Dieu nous donnait pour nous dire que nous n’étions pas rien à ses yeux, des chargés de mission.
J’avais 25 ans. Après 2 ans de service militaire et 7 ans de séminaire où j’avais étudié, la Bible, le droit canon, la théologie morale et dogmatique et la liturgie « jusqu’au bout des doigts » grâce à de bons et plus que bons professeurs, me voici vicaire en paroisse.
Je vous fais un aveu, en toute modestie « JE SAVAIS TOUT ». J’avais réponse à tout.
On m’avait enseigné ce qu’il fallait faire pour célébrer la messe et les sacrements avec toutes les rubriques pour accomplir saintement ces rites, ce qu’était la vie spirituelle, comment les époux doivent vivre, ce qu’il faut faire et ne pas faire…
Ma première mission qui me soit confiée : les jeunes. Le catéchisme bien sûr, mais aussi le patronage, à l’époque le jeudi et le foot le dimanche.
J’étais « bien vu ». Pensez donc ! Un jeune prêtre, plein de dynamisme et la tête bien pleine, le prestige de la soutane qui me couvrait et me préservait ….
Tout allait bien, d’autant que le Concile était en plein travaux. Tout allait pour le mieux en ce bon vieux temps.
Et bien non !
Finis les lendemains qui chantent. Le monde allait mal : la guerre froide, la faim et d’autres fléaux frappaient une grande partie de la Planète.
L’Église aussi traversait des moments terribles de crise.
Les prêtres ouvriers étaient sommés d’abandonner leurs emplois et leurs amis du monde ouvrier …..
Tout le monde donne son avis sur ce sujet, les uns pour maintenir des prêtres ouvriers et les autres contre. Je passe trop vite sur une page dramatique de l’Église qui a marqué des générations de prêtres et de chrétiens.
Les paroisses, elles aussi, étaient l’objet de critiques venant tant de l’intérieur que de l’extérieur de l’Église. Chaque Église paroissiale animait beaucoup d’ « œuvres sociales » et de « mouvements » : colonies de vacances, et patronages, ACE, JOC, ACO, JAC, JEC, JIC, scoutismes et bien d’autres, dont certains rayonnent encore.
Pourquoi les prêtres hommes du « sacré » attachés à l’animation d’une communauté s’occupaient-ils du profane ? Du « social » ? Ce n’est pas leur rôle, disait-on.
Une théologie païenne envahissait des pensées de ceux qui se disaient « chrétiens ».
Une marque essentielle de l’Église risquait de disparaître : la notion de « SERVITEUR ».
Le prêtre était un personnage : il n‘apparaissait plus comme un « Serviteur « en particulier des plus pauvres.
Combien de fois m’a-t-on reproché alors, mon « ballon catholique » de l’association sportive dont je m’occupais …
Je fus ensuite nommé Aumônier d’étudiants. Neuf mois après c‘était mai 68 et le grand « remue ménage » et le grand « remue méninge » qui en découla.
Beaucoup de Prêtres, après maintes réflexions et prières, j’en suis sûr, ont « quitté l‘Église » comme on dit, et pas des moindres, ni des moins intelligents.
Je me suis posé la même question qu’eux. Où est ta place ? Ma famille m’a aidé et des amis avec lesquels on parlait beaucoup, et grâce à eux j’ai un peu déplacé la question : Au lieu de « où est ta place » je me suis demandé « qui es tu ? »
C’est une vieille question, celle qui se pose à tout être bien sûr et à toutes les époques passées ; déjà à Jean-Baptiste et il répond « je suis une voix qui crie dans le désert… »
On a posé la même question à Jésus lui même et à tant d’autres après lui et jusqu’à aujourd’hui.
Qui es-tu toi Prêtre de Jésus Christ et de l’Église ? » et j’ai trouvé une réponse en lisant et méditant la Bible, la place de Dieu, serviteur. Mon serviteur auprès de mes contemporains quel qu’ils soient.
Je me suis dit ou plutôt, j’ai entendu au fond de mon cœur : tu es simplement de passage, un voyageur sans bagage, mais fais toi des amis, c’est la vraie richesse.
Comment se faire des amis quand on n’a rien ?
Comment tu n’as rien ! Mais je t’ai donné des talents ; la Parole de Dieu parlant à son peuple Israël …. d’un Dieu qui ne parle que d’Alliance.
Tu parleras « Au nom du Père, du Fils et de l’esprit’ » d’un Amour indestructible, inépuisable et éternel, quelques soient les circonstances dans lesquelles vivent tes contemporains
Je t’ai encore donné, ai-je entendu, les signes de cet amour du Père : les sacrements que tu distribueras selon les besoins et selon ton cœur, à ceux dont tu as la charge et dont tu te fais « Pasteur ».
Surtout n’oublie pas ; ce ne sont pas des dons « magiques » dont tu serais propriétaire ! N’oublie jamais « tu feras cela en mémoire de Moi » !
Ces sacrements dont je te fais ministre seront les signes de la DÉMESURE de l’amour du Père pour chacun des humains. Je sais bien qu’ils ne sont pas « dignes ». Qu’ils ne cherchent donc pas à « mériter » mais à « aimer » comme je les aime.
« Quand un pauvre crie le Seigneur entend »
Tu seras donc mon serviteur pour dire mon Amour sans réserve, jusqu’à l’assassin, l’homo, et le mourant.
Dis leur seulement d’entrer dans l’Amour que Dieu lui offre ; c’est un cadeau.
Je me suis rappelé ces Paroles durant toute ma vie et j’ai baptisé, marié, pardonné, parlé en dilapidant tes biens, sans m’assurer toujours des certificats de bonne conduite, sans autre assurance que la Confiance, la Foi.
Des docteurs de la loi, m’ont fait remarquer » Tu n’as pas le droit »….
Ai-je mal fait ? A toi de juger et toi seul Seigneur. Je te fais seulement remarquer que je n’ai fait que suivre ton exemple. Que de fois, ces docteurs de la loi t’ont exprimé leur colère, leur haine jusqu’à te crucifier, parce que tu violais la loi du Sabbat, « loi sacrée » à leurs yeux. Tu leur as répondu que le sabbat est fait pour l’homme et non l’inverse… que seul est « sacré » l’homme parce que créé à ton image, et non le rite.
Par dessus tout, Jésus, pardonne moi d’avoir eu peur de « gaspiller » tes dons en les donnant « chichement » parce que je trouvais le Pêcheur indigne de recevoir le signe de ton amour : d’ avoir été un juge et non pas un Apôtre .
Maintenant je me tourne vers vous, amis de Dieu et mes amis : je vous ai raconté tout ceci pour que vous ayez quelque compassion devant mes faiblesses et mes blessures….
Enfin, je vous dis à tous, à commencer par mes anciens curés qui m’aimaient malgré mes défauts et mes coups de gueules, m’avaient supporté et aimé et à vous tous, ici réunis qui m’avaient aidés à devenir ce que je suis, je vous dis ma reconnaissance, ma prière et mon affection.
Quand viendra le dernier jour, je plaiderai coupable devant le Seigneur , mais je lui rappellerai son VRAI NOM « SAUVEUR »
Père Pierre Ringeval